J’étais l’un de ces arrêtés

27 juillet 2015

J’étais l’un de ces arrêtés

Ce midi, la circulation est dense. La police locale tchadienne procède au contrôle d’identité et à celui d’éventuelles armes. Les arrêtés d’un instant qui s’éternise se montrent furax et furibonds. J’étais l’un de ces arrêtés. J’ai conservé mon calme dans ce moment exécrable. Deux policiers se présentent devant moi. Replet, les yeux globuleux, le premier policier me fouille à la hussarde et j’ai l’horrible sentiment d’être pris pour un commerçant de drogue. Le second, un peu plus gentil, me demande de présenter mes pièces d’identité. Je sors ma carte d’artiste et lui précise :

Source/Photo: NOURI
Source/Photo: NOURI
  • Je suis un poète.
  • Un poète ? s’étonne-t-il, puis il jette un coup d’œil furtif sur ma carte.
  • Oui, répondis-je en hochant la tête.
  • Ah bon ! S’exclama-t-il.
  • Oui, dis-je, tu sais ? A l’époque, le président Senghor faisait lire la poésie aux policiers. Il leur a inculqué le goût de la lecture de la poésie. Cependant, ils n’étaient pas violents. Car, la poésie ne rime pas avec la violence. Aujourd’hui, quand un policier arrête un poète en circulation au Sénégal, c’est juste pour lui demander un recueil de poèmes.
  • C’est bien ça, me dit-il d’un ton calme, j’aime les artistes, mais je ne lis pas.
  • Tu dois lire. Victor Hugo a dit «  Lire c’est boire et manger à la fois. L’esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas », tu vois ?
  • Oui, c’est important me dit-il.
  • Merci, lui dis-je, ce sont les artistes qui font avancer une nation, et non les députés.

Il m’a aussitôt remis ma carte et j’ai pris mes cliques et mes claques. J’aimerais l’inviter autour d’une table et essayer de concilier avec lui POESIE et POLICE. Hélas, on ne se connaît pas. Il est important que tout le monde lise. Que tu sois policier ou artiste, ton arme la plus salvatrice doit être la lecture, et non le pistolet qu’on t’a mis entre les mains. Partout dans le monde, la police est l’origine de violences. Pourquoi les policiers américains tirent à leur guise sur les Noirs ? Pourquoi les policiers tchadiens tuent à gogo les étudiants qui ont simplement manifesté leur colère ou exprimé leurs doléances ? Les clichés sont nombreux. Je crois avoir parlé de ce phénomène avec mon ami Youssouf Terri.

Enfin, il faudrait qu’on fasse la promotion de la lecture dans tous les domaines, cela apportera sans doute des fruits succulents que le Tchad dégustera avec une extrême avidité. Rappelons que la première sourate du Coran est Ikra « ikra » qui signifie LIS. On peut y trouver ALLAH’ZI ALLAMA BEL KHALAM « Dieu a enseigné par la plume ». Alors, la lecture est un acte sacré, citoyen et édifiant qui contribue efficacement au devenir d’une nation, parce qu’elle fait partie de la culture. Regardons aujourd’hui la Chine, l’Inde, le Japon ou encore la Grèce. Ces nations ne se sont pas construites par l’argent du pétrole, mais grâce à leur culture. Et nous, on a toujours un œil posé sur le pétrole, on oublie donc la culture. Ainsi, nous resterons toujours « un pays pétrolier, un peuple misérable » qui, pour se nourrir, mettra sa dignité dans la boue. On vole, on corrompt et on est content. Nous vivons dans la bassesse en laissant le pays aller mal. Tchadiennes et Tchadiens, valorisez notre culture, debout et à l’ouvrage pour enfin donner à notre nation ses lettres de noblesse.

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Commentaires

Yakhoub
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Tu es vraiment un grand poète je dirai engagé parce qu'en lisant cet article j'ai du chercher un dictionaire pour savoir le sens de certain mot. Tu as raison peu de tchadiens lisent. Et cela s'explique à mon avis du faite que nous n'avons pas cette culture là de lecture. Et donc votre initiative de la sensibilisation pour la lecture me parait une bonne idée.

76Douglas
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